Cap au Grand Nord
Parti en quête d’observation des plus grands prédateurs d’Europe, quelque part dans les forêts boréales couvrant le « no man’s land » entre la frontière finlandaise et le territoire russe, je me fais de suite séduire par l’attraction du Grand Nord, sa faune, sa flore, son aura, et rentre en France avec au cœur le réveil d’un vieux rêve : celui de traverser les étendues sauvages de l’Alaska !
Ce rêve, il est à l’antipode de mes escapades amazoniennes. Du climat tropical au climat subarctique, d’une forêt à une autre, du singe, du tapir et du jaguar à l’élan, au castor et à l’ours. Quatre années déjà que j’ai apposé le point final à mon journal d’expéditions en Amazonie*, et l’heure pour moi de repartir semble cette fois-ci avoir sonné son ultime glas.
* ([IBBA L. (2022), Journal d’expéditions en Amazonie, du fleuve à l’océan, de l’océan à la forêt, Editions du Chemin des Crêtes, Péronnas, 238 p.])
C’est en début d’année 2023 que nait alors le projet ARKTOUROS. Avec mon acolyte Quentin, nous allons reprendre la route du grand sauvage pour cette fois-ci environ un mois et demi d’autonomie au fil de l’eau. Le grand objectif d’un tel projet est celui d’observer, de photographier, de décrire et de témoigner dans nos carnets de bord la vie des étendues sauvages de l’Alaska. Pour ce faire et afin de rester assez de temps pour se fondre dans la nature, pour la comprendre et la ressentir telle qu’elle est vraiment, nous avons choisi de descendre une partie du plus long fleuve de l’Alaska et troisième plus long fleuve d’Amérique du Nord : le Yukon. Prenant sa source au pied du glacier Llewellyn dans le lac Atlin en Colombie-Britannique, le Yukon, qui signifie en langue amérindienne athabascane gwich’in « grande rivière » (Yu-kun-ah), s’écoule sur 3 185 kilomètres à travers le Canada et l’Alaska jusqu’à se jeter dans la mer de Béring.
Si le projet n’est pas de descendre l’ensemble du fleuve en démarrant de sa source, nous comptons en naviguer une bonne partie en établissant notre départ à Whitehorse au Canada.
Premières sensations sur le Yukon
Lundi 29 mai 2023, 19 h 40, les premiers coups de pagaie sont donnés. Dès les premiers instants, le monde sauvage qui m’entoure me fascine. A l’inverse de l’Amazonie, ou nul horizon ne peut-être perçu étouffé par une forêt si dense qu’elle tend à engloutir le fleuve, ici les paysages s’ouvrent de panoramas grandioses occupés au premier plan par de vastes forêts de conifères surmontés au loin par des massifs montagneux aux sommets enneigés. Certaines berges, orientées de sorte à ne jamais recevoir le soleil de la journée, présentent d’ailleurs encore un peu de neige. L’eau du fleuve est glaciale et me saisit rapidement les mains. Heureusement, les battements d’ailes d’un couple de pygargues à têtes blanches semblant comme suivre notre convoi depuis les airs avant de se poser à la cime de pins pour nous regarder filer sur le courant me font vite oublier que mes mains ne sont pas encore habituées au froid mordant du Yukon. Un peu plus loin, ce sont deux castors qui s’enfuient à notre passage, donnant de grands coups avec leurs queues plates à la surface de l’eau, afin de créer un bruit audible à la fois à l’extérieur et sous l’eau. Les autres castors alors prévenus de l’éventuel danger se réfugient sans attendre dans leur hutte, ces imposants amas de bois et de terre posés en bord de fleuve, semblant plutôt bien organisés, formant des sortes de dômes et dont l’entrée se trouve dissimulée sous les eaux…
Au rythme de la flore et la faune
Au rythme du fleuve, au cours duquel aucun jour ne se ressemble, ce sont mille observations animalières, rencontres humaines, défis physique et mental, tempêtes de vent et de pluie, galères matérielles, réflexions intimes, constats du réchauffement climatique, voyages dans le temps à travers des paysages, une géologie et une minéralogie exceptionnelle qui vont rythmer mon petit carnet de bord sur prêt de 2571 kilomètres pour 45 jours d’aventure.
Merci aux loups
De l’apparition fugace du regard profond d’une âme sauvage, aux partages innocents et éthérés des peuples premiers du grand fleuve; D’un face à face soudain précipitant le rythme cardiaque, à l’échange limpide et calme avec les indiens du grand nord; De l’enchantement du premier coup de pagaie, si fluide et si léger, à l’acharnement d’un corps et d’un mental usés par la fatigue des jours, du froid et des tempêtes… Ma quête de la vie sauvage dans son état le plus pur m’aura plongé au plus profond d’une réflexion interne inattendue révélant à mes carnets de route de bien plus belles et sincères tirades que celles d’un simple récit narrant les périlleuses péripéties d’une expédition au bout du monde.
Merci aux ours, aux loups, aux élans, aux pygargues, aux castors, aux porcs-épics, aux mouflons, aux écureuils et aux saumons croisés au fil du fleuve;
Merci aux indiens Athabascans et Yupiks, aux différentes tribus qui les composent et aux esprits libres rencontrés en chemin;
Merci à la « grande rivière », au Yukon, à la quintessence de l’Alaska… Le temps du grand air et des étendues sauvages doit maintenant laisser place à celui des mots, de l’écriture. Qu’il me tarde de vous partager toutes ces histoires, ces tableaux, ces témoignages de vies et réflexions…
Merci à tous ceux qui ont suivi et soutenu de prêt ou de loin cette fabuleuse aventure.
Vous avez envie de suivre la totalité de ce voyage en Alaska? Ludovic vient de publier son ouvrage « Aventures en Alaska : 2 571 kilomètres en kayak sur le fleuve Yukon » paru chez Chemin des Crêtes!
Cette aventure peut être réalisée avec ces 2 packrafts
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